Dans le paysage complexe du droit pénal, les délais procéduraux revêtent une importance cruciale pour garantir le bon déroulement des enquêtes et la protection des droits fondamentaux. La question de l'utilisabilité des éléments de preuve acquis au-delà de l'expiration des délais des enquêtes préliminaires, notamment aux fins de mesures conservatoires, a toujours fait l'objet de débats et d'interventions jurisprudentielles. L'Arrêt n. 20166, déposé le 29 mai 2025 par la Cour de Cassation, présidé par le Dr F. Casa et dont le rapporteur est le Dr A. Centonze, apporte un éclaircissement fondamental sur cette matière délicate, en annulant avec renvoi la décision du Tribunal de la Liberté de Catanzaro.
Les enquêtes préliminaires représentent la phase initiale de la procédure pénale, durant laquelle le Procureur de la République recueille les éléments nécessaires pour décider s'il y a lieu d'engager l'action pénale. L'article 405 du Code de Procédure Pénale fixe les délais dans lesquels ces enquêtes doivent se conclure, généralement fixés à six mois, prorogeables jusqu'à un maximum de dix-huit mois ou deux ans pour les infractions d'une particulière gravité. Le respect de ces délais n'est pas une simple formalité, mais une garantie substantielle pour l'inculpé, visant à éviter qu'il ne demeure indéfiniment dans un état d'incertitude juridique et sous la menace de l'accusation.
L'article 407, paragraphe 3, du Code de Procédure Pénale prévoit que les actes d'enquête accomplis après l'expiration des délais sont inutilisables. Cette inutilisabilité, cependant, n'est pas absolue et a suscité diverses interprétations, surtout lorsqu'il s'agit d'appliquer des mesures conservatoires. C'est précisément sur ce point que s'inscrit l'intervention de la Cour Suprême, appelée à trancher une question de grande importance pratique et théorique.
La décision de la Cassation se concentre sur l'application de l'inutilisabilité aux fins de mesures conservatoires, un aspect particulièrement impactant sur la liberté personnelle de l'inculpé. Le cas spécifique concernait un prévenu, R. P., et l'utilisation de déclarations d'un collaborateur de justice formellement acquises dans une procédure distincte, mais relative à un contexte criminel homogène. La Cour a établi des principes clairs pour éviter les contournements de la réglementation sur les délais. Voici la maxime :
Les éléments de preuve acquis par le procureur après l'expiration des délais des enquêtes préliminaires ne peuvent être utilisés aux fins de mesures conservatoires que s'ils sont acquis au cours d'enquêtes étrangères aux faits objet de la procédure dont les délais sont expirés, ou s'ils proviennent d'autres procédures relatives à des faits de délit objectivement et subjectivement différents, étant de toute façon nécessaire que ces résultats ne soient pas le fruit d'enquêtes visant à vérifier et approfondir les éléments apparus au cours de la procédure pénale dont les délais sont expirés.
Cette maxime est d'une importance fondamentale et mérite une analyse attentive. La Cour distingue deux scénarios principaux dans lesquels les preuves tardives peuvent être utilisées pour des mesures conservatoires, mais pose une limite cruciale. En résumé, l'utilisabilité est autorisée si les preuves sont :
Le point décisif, cependant, réside dans la condition négative : ces résultats ne doivent pas être le fruit d'enquêtes visant à vérifier ou approfondir des éléments déjà apparus dans la procédure dont les délais sont expirés. En d'autres termes, il n'est pas possible d'utiliser une procédure « parallèle » ou « satellite » pour contourner le caractère péremptoire des délais d'enquête. La Cour, dans le cas de R. P., a constaté que, bien que les déclarations aient été formellement acquises dans une procédure distincte, le contexte criminel était homogène, suggérant un potentiel contournement de l'interdiction. Ce principe renforce le contenu de l'article 407 du Code de Procédure Pénale et la jurisprudence antérieure (comme la n. 9386 de 2018), empêchant que l'inutilisabilité ne devienne une norme facilement éludable.
La décision de la Cassation reflète un effort jurisprudentiel constant pour équilibrer deux exigences fondamentales du système pénal : l'efficacité de l'action d'enquête et la protection des garanties défensives. D'une part, l'État a le devoir de poursuivre les infractions et de traduire les responsables en justice, y compris par l'adoption de mesures conservatoires nécessaires pour prévenir la récidive, la fuite ou la soustraction de preuves (art. 273 du Code de Procédure Pénale). D'autre part, l'inculpé bénéficie du droit à un procès équitable et à ne pas être soumis à des enquêtes sans limites temporelles, principes cardinaux également du droit européen.
L'arrêt commenté réaffirme que le respect des délais des enquêtes préliminaires n'est pas un obstacle à la découverte de la vérité, mais un pilier de la civilisation juridique. L'inutilisabilité des actes tardifs sert à responsabiliser le Procureur et à protéger l'inculpé d'une « épée de Damoclès » procédurale pendante. L'exception, bien qu'admise, est strictement circonscrite pour éviter les abus et garantir que toute acquisition probatoire respecte les principes de légalité et de célérité.
L'Arrêt n. 20166/2025 de la Cour de Cassation représente un point d'ancrage dans l'interprétation complexe de l'article 407 du Code de Procédure Pénale et de l'utilisation des preuves en matière de mesures conservatoires. Il clarifie que l'acquisition d'éléments probatoires au-delà des délais des enquêtes préliminaires, tout en pouvant trouver une application dans certaines circonstances (procédures objectivement et subjectivement différentes ou enquêtes étrangères), ne peut jamais se transformer en un instrument pour contourner les garanties temporelles mises en place pour la protection de l'inculpé. Pour les professionnels du droit et pour toute personne impliquée dans une procédure pénale, comprendre en profondeur ces nuances est essentiel. Notre Cabinet d'Avocats est à votre disposition pour offrir conseil et assistance, garantissant une défense attentive et à jour des plus récentes évolutions jurisprudentielles, assurant que les droits et les garanties soient toujours pleinement respectés.