Dans le scénario complexe des mesures de prévention patrimoniales, la protection des tiers créanciers est cruciale. Le récent arrêt de la Cour de cassation n° 19468, déposé le 26 mai 2025, offre des éclaircissements fondamentaux, définissant un cadre rigoureux pour l'opposabilité des créances antérieures à la saisie. Cette décision est essentielle pour comprendre les charges probatoires incombant au tiers et les dynamiques avec l'administration judiciaire.
Les mesures de prévention patrimoniales (D.Lgs. n° 159/2011, le « Code Antimafia ») sont des instruments visant à soustraire les biens illicites à la criminalité organisée. La saisie et la confiscation visent à rétablir la légalité. Les biens sous séquestre sont souvent des entreprises actives, dont la gestion est confiée à une administration judiciaire pour en préserver la valeur et en garantir la continuité, tout en protégeant les relations économiques légitimes.
L'arrêt n° 19468/2025 aborde la charge de la preuve pour le tiers créancier. La Cour établit que le tiers ne peut se limiter à invoquer la simple existence de la créance dans les écritures comptables de l'entreprise sous saisie, même si ces inscriptions sont répétées et que l'entreprise est autorisée à poursuivre son activité. La raison en réside dans l'inapplicabilité de l'article 2709 du Code civil. L'exigence de protéger l'intégrité du patrimoine prévaut sur la présomption de véracité des écritures internes.
En matière de mesures de prévention patrimoniales, le tiers créancier, aux fins de l'opposabilité à la procédure de la créance antérieure à la saisie, doit fournir la preuve de son droit, même s'il résulte des écritures de l'entreprise soumise au séquestre avec des inscriptions comptables répétées au cours de la gestion d'entreprise autorisée en vertu de l'art. 41, alinéa 1-sexies, du décret législatif 6 septembre 2011, n° 159, la discipline de l'art. 2709 du Code civil n'étant pas applicable dans de tels cas. (Dans la motivation, la Cour a précisé que l'administration judiciaire autorisée à poursuivre l'activité d'entreprise reste un tiers, à l'exception des cas concernant les relations commerciales essentielles et celles de durée, prévues respectivement par les art. 54-bis et 56 du décret législatif précité, par rapport aux relations de débit et de crédit nées avant la gestion).
Pour le tiers, la charge de la preuve est lourde et nécessite une documentation externe. La créance doit être étayée par des éléments objectifs et vérifiables, tels que :
La Cour de cassation précise que l'administration judiciaire, bien qu'autorisée à poursuivre l'activité (art. 41, alinéa 1-sexies, D.Lgs. n° 159/2011), reste « tiers » par rapport aux relations de débit et de crédit préexistantes. Cela empêche que des créances potentiellement fictives ne compromettent l'efficacité de la mesure.
Cependant, la Cour reconnaît des exceptions (articles 54-bis et 56 du D.Lgs. n° 159/2011). Ces normes prévoient la reconnaissance des relations commerciales essentielles et de durée, afin d'éviter que la mesure ne paralyse l'activité économique légitime de l'entreprise, en protégeant les tiers de bonne foi. L'administration peut être tenue de reconnaître et d'exécuter des obligations préexistantes, toujours dans le respect de la légalité et de la transparence.
L'arrêt n° 19468/2025 réaffirme la nécessité d'une approche rigoureuse dans la gestion des créances dans le contexte des mesures de prévention patrimoniales. Pour les créanciers, le message est clair : la simple inscription comptable ne suffit pas. Il est indispensable de se munir d'une documentation externe solide et sans équivoque attestant de la genèse et de la validité du droit. Pour les professionnels du droit et les entreprises, cette décision souligne l'importance d'une diligence raisonnable approfondie et d'une gestion contractuelle et documentaire impeccable, afin d'équilibrer la lutte contre la criminalité avec la sauvegarde des relations commerciales licites.